Article écrit en collaboration avec Mikaël Pichavant du cabinet de conseil spécialisé en supply chain PEA.
Dans un contexte complexe de récession, alors que le client modifie ses comportements et que les budgets sont resserrés, nous pensons que la bonne stratégie à adopter n’est pas de réduire uniformément la gamme, ni de travailler uniquement sur la réduction des coûts, mais de rechercher l’apport de valeur dans son offre pour notamment se recentrer sur le cœur de sa clientèle. La réduction des coûts est souvent opposée à la richesse de la gamme. Nous verrons qu’un pilotage ciblé de son offre permet également d’optimiser les coûts logistiques.
Pour les enseignes dont l’avantage concurrentiel est le prix alors, il s’agit bien sure de renforcer leur positionnement bon marché.
L’expérience des Etats-Unis et les chiffres actuels enregistrés en Europe nous enseignent qu’il faut continuer à se battre sur ce terrain car aujourd’hui, les distributeurs comme Walmart dont la stratégie est de diminuer les prix, sont les seuls qui maintiennent leurs ventes ou enregistrent des croissances.
Par contre si votre avantage concurrentiel n’a jamais été le prix, il ne faudra pas essayer de se battre sur ce terrain car vous rentrerez dans un engrenage qui vous fera perdre vos marges mais aussi à terme de votre identité. Nous proposons, dans ce cas, la stratégie de la valeur ajoutée.
En effet, les comportements d’achats des clients s’orientent de manière bipolaires : soit une très forte sensibilité aux prix soit une réceptivité à une valeur ajoutée apportée par le produit (autre que le prix). Cette valeur ajoutée doit lui offrir soit la satisfaction d’un plaisir immédiat soit un sens sur le long terme à l’achat. La stratégie gagnante pour une marque moyen et haut de gamme est donc de travailler sur la valeur ajoutée de son offre produit.
La valeur ajoutée qui donne du sens à l’achat
L’achat d’un icône de la marque est un achat qui a du sens : le polo Lacoste ou Ralph Lauren, le trench Burberry ou le sac seau Lancel, le costume Hugo Boss…Chaque marque doit retrouver ses basiques et les revisiter, puiser dans son ADN pour redévelopper l’offre des valeurs sures de la marque. Il faut donc renforcer et sécuriser son offre de permanents, lui donner la place qu’elle mérite dans la collection et reconstruire l’histoire autour de cette offre. Cela signifie aussi très clairement de leur attribuer un mode de gestion non plus de saisonniers mais de permanents c’est à dire de « Never out of Stock » (« 0 rupture »).
Quel que soit le moment de la saison, chaque produit doit être disponible dans chaque point de vente dans toutes les tailles et couleurs permanentes. Alors qu’en période d’achats plus euphorique, s’il manque un permanent, l’achat se reporte facilement sur un produit saisonnier, nous considérons que dans ces périodes, s’il manque un permanent, l’achat sera annulé. Qui n’a pas été un jour ou si souvent en rupture de stock sur ses permanents ? Ce sont les parents pauvres des collections qui ne suscitent pas en interne l’excitation des nouveautés et donc ne bénéficient pas de l’attention qu’ils méritent. La théorie de la « Long Tail » se vérifie systématiquement, quel est le poids de votre chiffre d’affaire réalisé avec vos icônes ? Si vous analysez les ruptures de stocks de ces produits en magasins, vous mesurerez la déperdition de chiffres d’affaire qui va s’amplifier.
Le fait de limiter les ruptures ne signifie pas forcément augmentation de stock ! En mettant en place des mécanismes de réapprovisionnement automatiques, avec des seuils adaptés à la taille du magasin, un certain niveau de service est assuré tout en limitant le niveau de stock. D’autre part, ces produits ont généralement des ventes assez régulières qui permettent facilement de réaliser des prévisions fiables. La mise en place d’une planification à l’année des ventes permet de lisser les approvisionnements auprès des fournisseurs selon ces prévisions. Cela permet de limiter les stocks en entrepôt et donc le besoin en fond de roulement.
La gestion des permanents peut donc être nettement plus économique qu’une gestion en mode « saisonnier ».
La valeur ajoutée qui offre la satisfaction d’un plaisir immédiat
L’autre axe de développement de la valeur ajoutée de l’achat est la satisfaction d’un plaisir immédiat. Pour maximiser la probabilité d’offrir un plaisir immédiat à un client régulier, il devient nécessaire d’offrir un renouvellement plus fréquent des thèmes, avec un parti pris stylistique plus fort et un cycle de vie plus court. En quelque sorte, penser les thèmes saisonniers comme des séries limitées évènementielles qui vont augmenter l’attractivité et l’effet de renouvellement de l’offre.
Augmenter la fréquence des thèmes peut entraîner une hausse des coûts de stock et une augmentation des invendus. Pour limiter ces risques, nous pensons qu’il faut mettre en place les points suivants :
- Réduction de l’assortiment pour chacune des collections
- Suppression du réassort automatique et mise en place d’un contrôle manuel du réassort pour piloter finement les stocks.
Indirectement, les coûts logistiques vont aussi être contenus :
- La production va pouvoir négocier un étalement des fabrications et livraisons.
- Les préparations en entrepôt et les livraisons en magasin vont être lissées, ce qui va réduire les coûts de traitement.
- Les opérations logistiques vont pouvoir s’articuler en partie autour d’envois uniques types vente « flash ».
- La rotation de stock va être augmentée.
S’agit t’il d’une révolution dans l’organisation de l’entreprise ?
- Les équipes produits vont renforcer les collections de permanents et structurer leur collection saisonnière par mini thèmes avec un parti pris stylistique plus fort.
- La logistique va lisser son activité.
- L’équipe du « merchandise management » va devoir planifier mensuellement les ventes des permanents sur une année et gérer les fenêtres de livraison des mini-thèmes.
- La communication va faire un come back sur les valeurs sures de la marque et exciter la presse sur les nouveaux thèmes.
Réduction des coûts, happening presse, et augmentation des ventes, ce sont les grands gagnants de cette stratégie de la valeur ajoutée.
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